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Introduction
Comment comprendre l’économie avec les logiques du sens ? Est-ce seulement possible ? ou est-ce
cette grande machine jetée à l’aveuglette sur le pauvre monde comme le prédateur sur sa proie,
incontrôlable si ce n’est, selon les défenseurs de l’orthodoxie libérale, par une mystérieuse
"main invisible" supposée réguler automatiquement son comportement, réajuster ses
crises, et accroître sans cesse son développement ? Outre le fait qu’une telle croyance ressemble
fort à une démission de la pensée, aucun élément théorique ne vient démontrer
ce paradigme. Et puisqu’un paradigme en vaut bien un autre, nous proposons ici un certain nombre de réflexions
et d’approches non conventionnelles de l’économie, que ce soit par la voie analogique, la métaphore
ou le symbolisme.
Au fond, sans vouloir apporter des réponses, ce qui nous motive est
toujours et encore la question du sens. Celle-ci est cruciale, tant en science qu’en économie, et a fortiori en sciences économiques,
puisque, si celui-ci n’existe pas, s’il s’agit simplement d’un accident lié à l’activité électrique
de nos neurones, alors la réflexion philosophique s’écroule et, avec elle, toute tentative de transcendance
religieuse ou spirituelle. Seule la dimension technique et purement utilitariste devient légitime, encore
qu’elle soit en réalité… sans valeur. Dans ce contexte, il n’existerait et ne pourrait exister rien
d’autre qu’une définition monétaire de la valeur.
Si le sens est le produit du chaos neuronal, s'il est un épiphénomène
biologique, alors n'importe qui, c'est-à-dire en général le plus fort, s'arrogera la légitimité
du sens. Dans ce cas nous nous dirigerons vers un monde où
tout est permis puisque l'homme est comme "Dieu", le créateur du sens. Le monde contemporain,
largement acquis à cette dimension d'un non-sens, justifie
en même temps l'immoralisme et l'inégalitarisme du système économique. Puisqu'il n'y
a pas de sens tout est possible : manipulations génétiques,
chosification de l'individu, exploitation des hommes et de la Terre… rien
n'est interdit puisqu'il n'existe pas d'échelle naturelle sur laquelle mesurer la justesse des décisions
prises. L'écroulement de la morale religieuse a ouvert la
porte à la légalisation du cynisme. Par contre s'il existe une transcendance du sens, ou si celui-ci
est le produit nécessaire de l'évolution de l'univers, alors personne ne peut prétendre le
légitimer, mais seulement en devenir le porte-parole. Dans ce dernier cas de figure le sens n'a d'ailleurs
pas à être légitimé puisqu'il peut être reconnu par tous.
Il est urgent de chercher des réponses scientifiques, et non pas
seulement idéologique, à cette question car, d'elle, dépend l'avenir de l'humanité.
Le premier pas consisterait déjà à reconnaître le caractère hypothétique
de notre manière de concevoir la nature du sens. Et ce, quelque soit notre a
priori en faveur de sa conception épiphénoménale,
de sa nature émergente ou de son origine transcendante. Paradoxalement, seule une réflexion scientifique,
aussi peu idéologique que possible, sur cette question nous conduira du doute vers quelques certitudes toujours
provisoires.
Toute certitude n’est-elle pas le suicide de la connaissance ?
© Luc Bigé
Entreprise Icarienne : extrait 1
L'entreprise, se sont avant tout des individus. Or l'individu est à la fois un être rationnel et un
être symbolique. Quelque soient ses objectifs les deux voies sont toujours indissociables et intimement mélangées.
Si je désire une voiture c'est à la fois pour des raisons rationnelles (me déplacer) et symboliques
: la voiture est aussi l'expression de ma propre valeur, de ma réussite, une manière d'afficher par
l'image ma personnalité. La voiture doit donc être à la fois efficace, rapide, économique
et esthétique, puissante, confortable. Nos sociétés occidentales ont développé
depuis trois siècles des outils physico-mathématiques extrêmement performant pour maîtriser
et appliquer les lois du monde physique régi par la rationalité. D'où son extraordinaire savoir-faire
en termes d'infrastructures, de ponts, de téléphones, de voitures, de cartes à puces, de grattes
ciel et autres merveilles technologiques. Il lui manque encore la connaissance des lois du monde symbolique pour
prendre en charge et déployer l'aspect esthétique, l'aspiration à la beauté et au sens,
de la nature humaine. Une entreprise qui saurait répondre à ces aspirations, loin d'être défavorisée
dans la course à la compétitivité, serait immédiatement reconnue comme nouvelle et,
répondant aux besoins du plus grand nombre, fructifierait en dehors du système actuel. Un système
devenu mécanique et robotisé à force de rationalité. Nous vivons dans un univers économique
extrêmement efficace qui a éradiqué les famines et les épidémies, qui donne presque
à la majorité plus que ses besoins. Mais nul ne sait où va ce système, beaucoup ont
l'impression d'être l'otage d'une machine soudain emballée qui roule pour elle. Aveuglément.
Elle distribue richesse et facilités à tous ceux qui ont su ou pu se placer au bon endroit au bon
moment comme le suggère la spéculation boursière. A tel point que la question n'est plus de
savoir s'il faut ou non aller vers la mondialisation de l'économie : c'est un fait qui est en marche, que
nous le voulions ou non, imposé par l'histoire et ses aléas. La question serait plutôt de savoir
de quelle mondialisation nous voulons, et quel sens nous voulons lui donner. Il faudra peut-être un jour
inverser les priorités : le sens devrait gouverner l'économie. Aujourd'hui c'est la richesse économique,
individuelle et collective, qui donne sens à nos vies et à nos efforts.
Entreprise Icarienne 2
L'entreprise icarienne, c'est une entreprise qui se construit des ailes pour échapper au labyrinthe infernal
des chemins de traverse ne conduisant nulle part, pour s'évader de ces itinéraires touffus, semblables
aux circuits financiers, semblables aux parcours des marchandises sur le globe, semblables à la multiplicité
des "idées" et des "conseils" qui, sous couvert de nouveauté, promettent des
ersatz d'autoroute pour sortir de la complexité. L'entreprise icarienne, c'est aussi une entreprise qui
ne se brûle pas les ailes au soleil de midi, car elle connaît son rôle et son sens au sein du
plus grand tout où elle produit et dont elle dépend. Evitant ainsi de se croire à l'image
Dieu (ou de la vérité, ou de la pensée dominante, ou le héraut d'un système
idéologique) elle évite la chute.
Une banque prête et reçoit des capitaux : pour qui ? pour faire quoi ? quelle image de la société
défend-t-elle inconsciemment (ou non) ? Bref! avant de se servir, à quoi sert-elle ? La NEF est un
bon exemple de banque transparente qui annonce aux épargnant à quoi sert leur argent.
Un producteur d'électricité doit, certes, fournir la population en énergie. Est-ce suffisant
? Que signifie "alimenter le corps social en énergie ?". L'industrie nucléaire, par exemple,
ne devrait-elle pas se pencher sur la teneur symbolique du mythe de Faust pour comprendre son identité,
les peurs irrationnelles qu'elle soulève, les réels dangers qu'elle fait encourir à l'humanité,
les conditions pour ne pas être broyée par son aventure faustienne ? Le développement de la
métaphore du fonctionnement du corps humain avec le cœur (biologique / nucléaire) qui pulse la force
vitale (sanguine / électrique) vers toutes les cellules du corps (physique / social) n'enrichirait-elle
pas EDF en lui fournissant de nouvelles valeurs sur la manière de concevoir son travail ?
L'entreprise icarienne c'est une entreprise qui connaît et honore son identité et sa mission. celles-ci
conditionnant et soutenant sa notoriété et ses productions.
Un marchand de salades qui sortirait de la "logique financière"- plus expressément de la
folle spirale concurrentielle qui anime notre société - pourrait-il encore vendre des produits emplis
de pesticides, d'engrais chimiques, d'insecticides et autres poisons violents ? Combien de paysans ont leur jardin
"bio" pour leur consommation personnelle à côté de leurs champs "industriels"
dont les produits sont réservés à la vente ?
Entreprise Icarienne 3
Une entreprise icarienne, contrairement à une entreprise libérale, ne vit pas sur un seul niveau
de réalité car elle comprend que, créée par et pour des hommes, elle se doit de résonner
avec la nature humaine dans sa globalité, une nature physique mais aussi émotionnelle, mentale, spirituelle....
Une entreprise icarienne, contrairement à une entreprise libérale, ne s'échine pas à
parcourir le plus rapidement possible les chemins complexes de la concurrence pour monter sur la plus haute marche
du podium du profit. Ayant réalisé sa note, étant fermement en accord - au sens musical -
avec l'idée directrice qui l'anime, elle comprend l'importance de la coopération pour accomplir ensemble
une mondialisation non concurrentielle. Une mondialisation qui serait comme une symphonie où chaque entreprise
aurait sa partition à jouer, mais où aucune ne répéterait indéfiniment le même
morceau en laissant croire au public hypnotisé qu'il s'agit là du véritable chant de la Terre!
Nous parlons par images, mais comment faire autrement ? La vision précède toujours la réalisation.
Dire ou tenter de dire d'une manière non métaphorique ce que devrait être la mondialisation
serait une gageure car, ici comme ailleurs, l'avenir se construit par épigénèse. La forme
de la civilisation mondiale dans cinquante ans est à peu près imprévisible. Mais ce qui est
prévisible, ce qui est laissé à notre volonté, c'est le filum de sens sur lequel l'humanité
va s'accorder - toujours au sens musical ! - pour réaliser l'unité planétaire. Si ce mythe
est darwinien alors les cinquante prochaines années seront marquées par la victoire des tenants de
la lutte pour la vie, de la concurrence, du non sens généralisé érigé en justification
d'un pouvoir sans limites des uns sur les autres. Peu importe à vrai dire de qui sur qui. Si le mythe est
icarien et orphique, s'il inclue la multidimensionnelle de l'être humain, s'il reconnaît la complémentarité
des savoirs technologique et symboliques - de la science et du sens -, alors les cinquante prochaines années
seront telles. Tout cela ne dépend pas de notre savoir-faire, de nos prouesses technologiques, d'une invention
nouvelle, mais de quelque chose de beaucoup plus simple à la portée de chacun : du regard que nous
portons sur le réel.
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